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Reussir En Chine

Reussir En Chine

Ce Blog parle de la Chine, des clés pour réussir en Chine et avec les Chinois, des insolites, de la culture, des voyages.


Communiquer avec les Chinois et la notion de "perdre la face".

Publié par Jerome Berny sur 2 Novembre 2016, 22:31pm

Catégories : #Travailler en Chine, #Communication

L'expression "perdre la face" est en Chine bien plus qu'un simple concept social, elle s'applique véritablement dans la vie de tous les jours et notamment dans les relations d'affaires où la prise en compte de cette notion est fondamentale pour réussir.

Les Occidentaux, et particulièrement les Nord Américains, sont très directs, voire brutaux, dans leurs échanges et dans leurs jugements. Ce qui s'apparente pour certains à de la franchise, pour d'autres à de l'impolitesse, n'est pas une posture très appréciée en Chine et il important de le savoir.

Communiquer avec les Chinois et la notion de "perdre la face".

L'une des principales règles à connaître quand on communique avec les Chinois, c'est qu'il ne faut jamais faire "perdre la face" à son interlocuteur. Même si cela est la conséquence d'un accident, une telle infraction au code de bonne conduite ne vous sera jamais pardonnée.

Il y a de nombreuses manières de faire "perdre la face" à son interlocuteur et sachez qu'en Chine, la conciliation et la diplomatie sont des atouts bien plus honorables qu'une vérité brute ou qu'un jugement direct... la demi-mesure y est souvent la solution.

Ne pas blesser avec la vérité

La vérité est parfois difficile à entendre quand elle n'est pas favorable. En Chine, mieux vaut dire des banalités que des choses qui pourraient heurter l'égo d'une personne, son amour d'un pays, sa croyance en un système ou encore la fierté qu'il porte à sa culture. Vous remarquerez que les discours d'entreprise en Chine sont toujours très lissés, très positifs et valorisants. Aucune place n'est laissée à la critique ou au doute, même si l'entreprise va mal. Les collaborateurs sont tous excellents, les clients sont des êtres exceptionnels et le futur ne peut-être que radieux... ça c'est pour le discours ! La réalité du lendemain est parfois moins reluisante.

L'affaire se complique quand, toujours dans le cadre professionnel, il faut mettre quelqu'un devant ses erreurs et ses responsabilités. L'accusation directe n'est pas une option surtout si elle est faite devant d'autres collaborateurs. Il n'y a pas plus direct et efficace pour faire "perdre la face" à une personne que de la réprimander ouvertement; si en plus on hausse le ton...

Faire "perdre la face" à son interlocuteur n'est pas une bonne stratégie car elle risque fortement d'avoir l'effet inverse à celui escompté. Comment pour autant faire passer un tel message ? Cela demande un effort de langage que certaines cultures occidentales ont souvent du mal à réaliser. Il faut tourner la critique individuelle pour l'orienter vers un challenge collectif. Un échantillon est mal fait ? Au lieu de pointer une personne en lui disant "tu as mal fait ceci et cela", il est préférable de challenger l'équipe entière en expliquant à la fois simplement et précisément ce que l'on souhaite et la mettre au challenge de réaliser l'échantillon parfait dans les délais demandés.

Communiquer avec les Chinois et la notion de "perdre la face".

Eviter les sujets tabous

Mettre mal à l'aise ou froisser son interlocuteur chinois passe aussi par la mention de sujets tabous ou polémiques. Ces sujets portent sur certaines actualités, sur la politique, sur les religions, sur la sexualité ou encore sur la mort. Mieux vaut ne pas prendre le risque de vexer son auditoire en parlant de sujets sensibles et dans le doute, mieux vaut s'abstenir. Le sarcasme quant à lui est à bannir. 

Pour éviter tout accident, il y a une technique très simple : concentrez-vous sur les compliments, même si cela vous paraît hypocrite ou surfait. Ces éloges sont souvent plus protocolaires que sincères ; n’hésitez donc pas à flatter vos vis-à-vis, à leur dire qu'ils sont brillants, beaux, doués...

L'échec n'est pas permis

En Chine, un professeur ne dira jamais aux parents d'un élève que leur enfant a des difficultés scolaires. Cela serait perçu comme une insulte portée aux parents et à leur devoir d'éducation. Ce serait également un constat d'échec pour le professeur lui-même qui se doit de trouver des solutions pédagogiques pour que son élève réussisse.

En Chine la compétition est rude et la pression qui pèse sur les épaules des étudiants est énorme. La réussite sociale est un devoir et l'échec n'est pas permis. Le monde du travail, lui aussi, est impitoyable. Ainsi, pointer du doigt tout ce qui pourrait s'apparenter à un échec ou un manquement est une humiliation particulièrement malvenue en Chine. Là encore, les mots doivent rester positifs et diplomates, voire insipides. Dans les discours, tout est toujours beau, tout est toujours parfait.

Communiquer avec les Chinois et la notion de "perdre la face".

Comment faire avancer les choses alors ?

Comment dès lors "secouer le cocotier" sans pour autant froisser son auditoire et perdre les ressources et le soutien dont nous avons besoin ? C'est un exercice bien subtil et qui demande une certaine forme de pédagogie.

La chose la plus importante est de s'assurer que vous avez en face de vous les bons interlocuteurs. J'entends par "bons interlocuteurs" ceux qui sont directement concernés par votre demande et pas des intermédiaires qui ne feront que transmettre le message. Si vous devez développer un prototype, assurez-vous d'avoir en face de vous les techniciens qui réaliseront le prototype. Assurez-vous également d'avoir un encadrant dans le lot d'interlocuteurs afin de l'impliquer dans votre demande qui aura alors plus de poids et de crédibilité. Plus le manager est hiérarchiquement important, mieux c'est... si vous avez le Directeur Général avec vous, c'est idéal. 

Ensuite il faut prendre le temps d'expliquer clairement et simplement le résultat souhaité. Cela paraît évident certes mais la barrière de la langue rend les choses souvent difficiles, beaucoup d'informations secondaires se perdent entre le message émis et le message reçu. Le feedback est essentiel, il est recommandé de systématiquement demander à votre interlocuteur de reformuler votre demande (et ne pas simplement demander s'il a compris car il dira toujours "oui"). C'est comme cela que vous pourrez vous assurer que le message est bien passé.

Après avoir bien expliqué ce que vous souhaitez, vous pourrez alors pointer clairement mais de manière neutre et objective les écarts que vous avez constaté par rapport à l'objectif que vous venez de clarifier. Cette démonstration ne doit pas viser une personne ou une compétence mais un résultat uniquement. Il est préférable, si cela est possible, de s'adresser à une équipe et non à une seule personne.

Complimentez et challenger vos interlocuteurs. Dites leur qu'ils sont les meilleurs et que leur réussite engendrera de grosses commandes et montrera que les techniciens chinois sont tout aussi compétents, sinon meilleurs, que leurs homologues occidentaux. Faites-leur comprendre que vous avez confiance en eux.

 

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J
Bonjour Sylvain, s’agissant du « manque de pincettes » avéré de certains Chinois auquel vous faites allusion, phénomène qui n’affecte d’ailleurs pas que les Chinois mais aussi nombre d’Asiatiques, ne perdez pas de vue qu’un tel comportement intervient essentiellement lorsque le rapport de forces, qu’il soit hiérarchique, financier, stratégique, politique… ou générationnel… est en leur faveur. Même si l’on n’est plus à l’époque de Lucien Bodart, dans le monde asiatique il n’y a pas (encore) trop de place pour la pitié et la compassion et seuls comptent vraiment la réussite et le prestige social. Les sociétés asiatiques sont des milieux où l’inégalité et la violence sont omni présentes sous des formes diverses (sociale, politique, routière, familiale…), violence qu’il a d’ailleurs été nécessaire de codifier et de contenir dans un cadre de règles de politesse très formelles et qui ne doivent absolument pas être assimilées à de la courtoisie, du moins telle que nous la concevons. La reconnaissance publique du rang social de l’autre fait partie de ce respect de la face, de façon encore plus marquée qu’en Occident, sauf sans doute en Europe du nord. Si on ne fait donc pas perdre la face à un subordonné en le rudoyant ou à un partenaire en affaires qu’on domine, on risque en revanche de la faire perdre facilement à quelqu’un qui est de rang social équivalent ou supérieur si on ne prête pas d’attention requise aux apparences (salutations, ton et forme du langage verbal, etc.). Ceci est d’ailleurs valable à travers l’ensemble du monde oriental comme en témoigne le proverbe arabe « Ne joue pas avec les chiens, ils se dirent tes cousins ! » mais aussi en Amérique latine et à certains égards en Afrique subsaharienne.<br /> <br /> En ce qui concerne la notion d’amour propre à laquelle vous faites allusion et qui nous affecte nous autres occidentaux, pour preuve cet adage souvent employé dans le travail, « N’en faites pas une affaire personnelle ! », il faut comprendre qu’il s’agit là d’une notion beaucoup plus restrictive que celle de face. En schématisant je dirais que l’amour propre nous renvoie principalement à l’idée que nous nous faisons de nous même alors que la face renvoie surtout à l’image que les autres ont de nous… et dans ce qui est une société de la honte cette sensibilité au regard d’autrui est au moins aussi importante que l’âpreté au gain bien connue de nombre d’asiatiques. <br /> <br /> Si je ne fais pas comme vous depuis vingt ans des allers-retours pour affaires entre la France et la Chine, me contentant simplement de vivre en Asie depuis des années avec mon épouse sino-thaië, au contact de sa familles, de nos amis… et du quotidien… j’estime que la prise en compte du souci est de la face est la clé essentielle à la fois d’une bonne intégration locale mais aussi d’une bonne compréhension des comportements et des modes de pensée d’un interlocuteur asiatique. Pour preuve, cet exemple personnel, choisi parmi tant d’autres : l’été dernier, en vacances en France, j’ai proposé à mon épouse d’aller faire un peu de camping dans les Pyrénées ; sa réaction n’a pas été de s’inquiéter au sujet des conditions de confort mais de se demander ce qu’en penseraient nos amis qui pourraient en voyant les photos penser que nous n’avons pas assez d’argent pour aller à l’hôtel… Pas plus qu’en affaires, on ne peut donc échapper pas à ce diktat de la face dans un couple « mixte » et je vous suggère à cet égard de lire les lignes relatives à l’importance du regard des autres dans cet article rédigé conjointement avec mon épouse pour le blog Regards interculturels : http://regards-interculturels.fr/2017/10/le-mythe-de-la-poupee-asiatique/
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J
Bonjour, cet article est très intéressant car il met bien en exergue les difficultés du travail à l'international en Asie sachant qu'on peut appliquer ces observations et suggestions à de nombreux autres pays, notamment tous ceux où la diaspora chinoise est présente "aux affaires". S'agissant de la façon de procéder pour "sanctionner" un collaborateur, chose pour le moins difficile, il ne faut pas hésiter à adopter une stratégie indirecte, sans heurt, mais dont personne ne sera dupe. La mise à l'écart progressive des discussions, des responsabilités, des tâches valorisantes... toujours objectivement motivée... conduit souvent soit à un retrait volontaire de la personne soit à une modification de son comportement par anticipation afin de ne pas risquer la perte de face. Le recours à la pression de l'endo-groupe sur l'individu ou de la personne qui a "parrainé" éventuellement ce collaborateur est aussi un autre moyen d'agir... parmi tant d'autres, le but étant de toujours privilégier l'action indirecte, suggestive... par rapport à l'action en force. Si ces principes semblent évidents, il est certain que leur mise en oeuvre exige de toujours prendre du recul par rapport aux événements... même les plus pénalisants ou irritants...et de ne jamais réagir impulsivement et c'est là toute la difficulté ! En Asie ceci est valable dans le travail...mais aussi dans la vie quotidienne d'un couple mixte...
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J
Bonjour Sylvain, <br /> Merci pour votre remarque qui remet un peu "d'universalité" dans cette analyse, c'est vrai. <br /> Je suis d'accord qu'on ne peut pas limiter cette caractéristique comportementale au seul peuple chinois et nous sommes obligés de faire des généralités comme toute analyse relative à une culture.<br /> Pour ma part, je trouve ce concept de "perdre la face" très marqué en Chine. Mes dix années vécues en Chine m'ont apporté une multitude d'exemples qui pourrait confirmer cette hypothèse. Sans valeur de jugement, cette constatation est pour moi suffisamment générale pour en faire une différence comportementale évidente. Je généralise bien entendu car tous les Chinois rencontrés ne répondent pas à ces caractéristiques et beaucoup d'Occidentaux, eux, pourraient prétendre y répondre... cependant ma perception globale reste la même. <br /> Bien cordialement <br /> Jerome
S
Je fais des allers-retours entre l'Europe et la Chine depuis 20 ans, et j'ai toujours eu du mal à comprendre en quoi ce concept de "perdre la face" est spécifique aux chinois. A mon avis (imho), cette étiquette laisse croire deux choses inexactes : d'une part que les occidentaux ne sont pas sensibles à la balance franchise/déshonneur (ah bon ?), et d'autre part que les chinois y vont toujours avec des pincettes (au boulot et en couple). Eh bien non. Il est vrai qu'il y a nombre de différences culturelles, mais certains comportements humains restent universels. J'espère que ma remarque n'aura fait perdre la face à personne ;-)

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