D’un point de vue juridique, l’expropriation est une action légale visant à priver un propriétaire foncier de son patrimoine immobilier, souvent contre son gré.
L’expropriation est devenu un problème majeur en Chine, où chaque année plusieurs millions de paysans sont dépossédés de leurs terres, de manière parfois brutale. Ce phénomène est devenu, en deux décennies, un vecteur important de la contestation sociale.
En 2007, face aux nombreux mouvements contestataires liés aux expropriations et à leur médiatisation (non-contrôlée), le gouvernement central a dû adopter une nouvelle « loi sur la propriété privée ». Tout récemment encore, le Ministère Chinois des Ressources Foncières a rappelé, par circulaire, que « les actes illicites d'acquisition foncière par la force doivent être sévèrement punis ».
La tentation est grande quand on apprend que, d’après une étude réalisée par l’Université du Michigan en 2011, les autorités locales revendent les terres aux promoteurs en moyenne 43 fois plus chère qu’elles ne les ont achetées. Cela constitue la principale source de revenu d’une ville.
Les propriétaires fonciers, notamment les paysans, sont donc un peu mieux protégés qu’avant mais le développement économique et les enjeux financiers écrasent parfois tout sur le passage… enfin presque tout.
Avez-vous déjà entendu parler des « maisons clou » ? Cela vient d’un néologisme anglais : nail house (en chinois : 钉子户 dīngzihù). Ce sont des maisons isolées au milieu d’un chantier, voire d’un complexe ou même d’une route, dont le propriétaire récalcitrant n’a pu être « chassé ». Ce phénomène récent a permis de sensibiliser la population internationale et surtout chinoise, grâce notamment à internet, sur le problème d’expropriation dans l’Empire du Milieu. Certaines histoires ahurissantes, sont devenues des causes nationales.
Luo Baogen, un éleveur de canards, et sa femme sont devenus le symbole de la lutte contre les expropriations. Situé dans la province orientale du Zhejiang, l'immeuble de 5 étages dans lequel ils vivaient s'est tout simplement retrouvé au milieu d'une route toute neuve !
Pendant plusieurs années le couple a lutté pour obtenir une compensation d'expropriation supérieure au montant de 260.000 yuans (moins de 30 000 euros) offerte par les autorités locales.
Un couple est devenu particulièrement célebre en Chine, il s'agit de Yang Wu, un champion local d'arts martiaux et sa femme, Wu Ping, restauratrice, derniers propriétaires sur 280 à résister aux promoteurs d'un centre commercial, dans la ville de Chongqing. Résultat, leur maison s'est retrouvée totalement isolée au milieu du chantier, sans eau ni électricité, avec un faussé de 10 mètres de profondeur tout autour.
Une maison clou se dresse fièrement devant un nouveau centre commercial dans la ville de Changsha. Les propriétaires en ont fait une petite boutique au rez-de-chaussé.
... et pour ceux qui en redemandent, voici encore quelques clichés insolites de maisons clou en Chine !
Jérôme Berny